Le phénomène doit se ressentir partout en Bretagne, mais je le constate dans mon village.
Avec les vacances dites de Pâques, après avoir passé le péage de la Gravelle, des hordes de Parisiens arrivent en Terre Inconnue. Il ne manque que Frédéric Lopez pour que la carte postale soit authentique.
Les lardons occupent sagement les places arrière du SUV BMW, hybride rechargeable. Ils regardent chacun sur leur iPad, des dessins animés japonais à la con, mais ils sont heureux d’arriver en Bretagne tout en espérant que le réseau téléphonique sera à la hauteur pour aller sur TikTok. Pendant ce temps, les parents se font la gueule pour des raisons indéterminées et l’ambiance n’est pas aux mamours langoureux.
La magie s’opère à l’arrivée dans le supermarché du village. Ici, nul besoin d’aller aux spectacles humoristiques. Les comiques nous font marrer bien avant le lever de rideau. Dès qu’une Stéphanie, Aurore ou Carole, ouvre le bec, c’est pour sortir des parisianitissimes de légende. Le « Chéri, tu veux du beurre salé » me fait éclater de rire, surtout lorsque tu y mêles l’accent qui va avec.
Un autre couple sans têtards, fantasme devant le rayon des fruits et légumes « Oh ! mon amour, on prend des artichauts pour ce soir… » Et l’autre benêt, casquette du PSG vissé sur le crâne de répondre « C’est des légumes du pays, vas-y… » Et sa Bénédicte pas plus futée qu’une nana qui pose dans Play-boy achète deux Cynara cardunculus var. scolymus qui proviennent d’Espagne (c’est écrit sur l’étiquette placée juste au-dessus). Lol.
Quand je vous dis qu’il y a de quoi faire, mais ce n’est pas terminé puisque plus tôt, chez ma boulangère préférée une Bérangère portant chapka comme une vache un tablier — nous sommes mi-avril — a demandé si le kouign-amann voyageait bien.
De mon air le plus sérieux, je lui ai répondu «la gâterie pérégrine beaucoup mieux en première classe.» Elle m’a toisé, genre « mais de quoi il s’occupe ce plouc ». » La boulangère se mordait les lèvres pour ne pas s’esclaffer.
Cette semaine viendra la pluie. Ils déambuleront alors dans les rues de Paimpol, affublés de cirés jaunes et de marinières made in China. Ils pesteront après le climat breuuuuuton en se promettant ne plus jamais y remettre les pieds.
Mais si reviendez, reviendez cet été vous nous faites trop rire !